Quand tout s'emballe

Revenons donc il y a 30 ans… Fin septembre 1993, un matin, sans prévenir, alors que je viens juste de me lever, une douleur insupportable me transperce, comme un coup de couteau dans l’estomac. Je m’écroule sur le sol et j’y reste, incapable de me relever, tordue de douleur, le souffle coupé, sans énergie. L’épisode se termine aux urgences avec un séjour à l’hôpital d’une semaine sans que les médecins soient capables d’émettre un diagnostic. A l’époque, le mot n’est pas courant mais je le comprendrais plus tard, cet effondrement physique total est le signal de mon entrée en burn-out.

Après cette semaine d’hospitalisation, ce sont des mois d’épuisement total, de douleurs, de crises d’angoisse, de sommeil perturbé d’atroces cauchemars et qui ne me permettent pas de récupérer, une incapacité totale à travailler ou à m’occuper de moi.

Un burn-out arrive soudainement et il faut des mois pour s’en remettre, si on est correctement accompagné. Sinon c’est plus long et dans tous les cas, la vie en est totalement bouleversée. Comment n’ai-je rien vu venir ? Parce que dans quasiment tous les cas, on ne réalise pas ce qui se passe, on ne prête pas attention à ce que l’on ressent. Ce sont des trop-pleins de tout qui s’accumulent, pendant trop longtemps. Trop de stress, trop de travail, de sollicitations, pas assez de repos, pas assez de pauses récupératrices. Du surmenage à l’infini.

Une fois en burn-out, tout s’arrête, c’est comme un court-circuit général qui permet d’éviter le pire. Les surrénales ayant trop fonctionné pendant des années sont soudain totalement hors-service, la production d’hormones de stress s’arrête brutalement ou fonctionne à un niveau beaucoup trop bas pour pouvoir assurer toutes ses fonctions. Le système nerveux est sévèrement impacté et ne peut pas se remettre du jour au lendemain car il n’est pas conçu pour fonctionner dans un état d’urgence absolu pendant des années. Du coup, l’épuisement est total, il est impossible de travailler pendant des mois. Le corps entier ne fonctionne plus correctement : sommeil très perturbé et non réparateur, crises d’angoisse, troubles digestifs graves, douleurs nombreuses et violentes dans tout le corps… et bien d’autres symptômes. Le cerveau ne fait pas mieux avec des troubles cognitifs importants : troubles de l’attention, de la mémorisation, de la réflexion…. Lire plus d’un paragraphe à la fois devient quasiment impossible. Et les émotions sont en vrac bien sûr, pleurs, angoisses, plus rien ne se passe comme avant.